Le camion – 4
Ce soir, le lac du Bourget a trouvé le moyen de s’agiter. Le vent glacial semblait provenir de la base des montagnes. Une petite tempête privée. J’ai trottiné le long du garde-fou, seul, transi, entre la foire d’amusements et l’eau noire. Les bâches du carrousel claquaient au vent, mes dents aussi. Vingt mètres plus loin, les arbres m’auraient abrité. Mais je ne voulais pas quitter le lac.
Une rêverie adolescente me prend parfois devant les grands espaces. Je me retrouve libre, exempt de passé et d’avenir, tel que je me concevais à quinze ans. Adulte, j’ai fui cet état. Un soi-disant devoir envers les autres et moi-même m’interdisait cette solitude, cette mort. Et voilà qu’à présent, plus vieux et lourd que jamais, je sauterais dans le lac, referais ma vie dans les montagnes, quitterais tout, enfin, jusqu’à ce qu’une mort, une renaissance, me permette de vivre un bonheur que je pressens depuis toujours.
Françoise dormait. L’odeur du salon m’a doucement serré la gorge. Quand le vent a cessé de résonner dans mes oreilles, je me suis assis. Longtemps, j'ai regardé le sol. Puis, je l’ai rejointe dans son lit. Mes yeux se sont fermés : je connaissais cette chaleur froissée. Auprès de ma mère, j'ai enfin dormi.
vendredi 8 janvier 2010
mardi 5 janvier 2010
Le camion – 3
J’ai perdu l’habitude des grands espaces. Du bras droit, j’atteins le poêle électrique; du gauche, je pousse la porte des cabinets. À deux pas, c’est la chambre, une pièce-lit, sans plancher, cernée d’étagères menaçantes. Françoise n’en sort jamais, ou presque. Quant à moi, je retrouve dans la cuisine-salon un vide suffisant pour m’apaiser. Je dors peu, le plus souvent le jour. Jamais dans la chambre.
Nous avons aussi une chambre d’amis. Une absurdité qui gonfle notre véhicule, lui confère des allures d’astronef. Les voisins de camping, mystifiés, nous visitent parfois. Ils s’étonnent de retrouver la même étroitesse que chez eux.
Depuis l’achat, nous n’avons rien changé à la deuxième chambre. Les draps blancs et secs du matelas ont un peu jauni. Qu’espérions-nous? Adopter une famille, un voyageur? Nous avons voulu fuir une absence; nous la traînons lourdement avec nous.
J’ai perdu l’habitude des grands espaces. Du bras droit, j’atteins le poêle électrique; du gauche, je pousse la porte des cabinets. À deux pas, c’est la chambre, une pièce-lit, sans plancher, cernée d’étagères menaçantes. Françoise n’en sort jamais, ou presque. Quant à moi, je retrouve dans la cuisine-salon un vide suffisant pour m’apaiser. Je dors peu, le plus souvent le jour. Jamais dans la chambre.
Nous avons aussi une chambre d’amis. Une absurdité qui gonfle notre véhicule, lui confère des allures d’astronef. Les voisins de camping, mystifiés, nous visitent parfois. Ils s’étonnent de retrouver la même étroitesse que chez eux.
Depuis l’achat, nous n’avons rien changé à la deuxième chambre. Les draps blancs et secs du matelas ont un peu jauni. Qu’espérions-nous? Adopter une famille, un voyageur? Nous avons voulu fuir une absence; nous la traînons lourdement avec nous.
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